1 juillet 2009

LES ARGENTINS TELS QUE LES FRANÇAIS LES VOIENT. Part 1

Mes amis français, ah ! Qu'est ce que je suis content lorsqu'ils me parlent de mon pays. Ils en savent tout, ce qui ne serait pas étonnant en soi mais ... en fait presque aucun d'entre eux n'est jamais venu. Au mieux, ils ont regardé à la télé un documenteur, parfois même pas concernant l'Argentine mais le Chili, le Brésil ou le Méxique, peu importe. Mais admettons qu'ils aient effectivement regardé un documenteur sur l'Argentine. Dans ce cas, rare, il s'agit de ce que le réalisateur a voulu montrer. Disons que si je débarque dans un continent "exotique" et que je veux trouver mes rêveries faites réalité (car pour le français moyen il n'est jamais question de pays mais d'un continent, en l'occurrence l'Amérique du sud) je chercherai à trouver ce qui colle le mieux avec ce que pour moi est la réalité des choses et ... nous voici devant le premier topos :
LE SUD
"Dans l'hémisphère sud, on le sait, il fait chaud"
. Non, non, attendez ! Croyez moi, on m'a déjà dit ça en France ! Un hémisphère, tout entier, où il fait chaud ! "Dans l'antarctique aussi ?" m'est il arrivé de rétorquer et là la perplexité. Le bonhomme n'avait pas fait le lien. Alors peu importe qu'on lui montre sur la carte comment l'extrême sud de l'Amérique du sud touche presque une pointe de l'antarctique. A cet extrême de l'Amérique du sud il existe la ville argentine d'Ushuaïa. Pas besoin qu'on vous le dise j'imagine : les gens, à Ushuaïa, se caillent. Si on parcourt du doigt la carte et qu'on remonte vers le nord tout le long de la Cordillère des Andes, avec ses stations de ski, un peu plus vers le nord les vignobles en plus, que l'on fait un virage et qu'on vient vers l'est où l'on trouve la "Pampa húmeda", région où il n'est pas question de bananes ou palmiers mais de céréales (du blé, si on veut rester attaché aux images scolaires, récolté par des "gauchos", si on veut pousser la carte postale jusqu'à ses limites les plus charmeurs, sauf que de nos jours il s'agit du soja trans-génique Monsanto et ceux qui le récoltent sont des descendants de basques et d'italiens pour la plupart), même là mon ami français aura encore du mal à se débarrasser de ses idées. Il veut absolument, puisque de l'Amérique du sud on parle, des palmiers, des moustiques, de la chaleur, des gens basanés: Calme toi, mon gars ! Tu les auras tes palmiers. Allez, des palmiers pour la table 15. Et oui, l'Argentine est, géographiquement parlant, énorme. Elle fait quelques 3500 kilomètres dans le sens nord/sud et cela lui permet de se payer du subtropical aussi. C'est vers le nord est, tiens. Là oui, là ça touche le Paraguay, la Bolivie, le Brésil (et là tu peut recommencer à rêver. N'oublies pas un produit anti moustiques). Sauf que dans cette frange subtropicale (désolé, du véritablement tropical on est en rupture de stock) il n'habite qu'une minorité d'argentins. Mais tiens, ceci te plaira : ils sont très souvent typés. Et ceci nous amène au topos suivant :
LA POPULATION
J'espère que les autres habitants de ce nord-est subtropical, les petits fils d'italiens, basques, polonais, juifs, etc. ne briseront pas trop notre rêve. Au moins, tous gentils qu'ils sont, ils ont adopté, à la campagne, une tenue assez "gaucho" (marrant : le béret basque devenu un symbole de la "gaucho attitude"). Tu la verras surtout chez les musiciens qui joueront pour toi les airs très folkloriques et très typés qui nous viennent d'un savant métissage indio-polono-russo-italien. Les rythmes ? Ils s'appellent "chamamé" (tellement guaraní, aaah ...) ou "Polka" (merdestroika ! çà sonne comme du russovskaïavska !).
Si l'on reste dans le nord mais qu'on se déplace vers l'ouest on verra l'Argentine "Coya". Encore une minorité dans l'ensemble de la population du pays (quoique majoritaire dans le coin) mais, hélas ! dans les villes (telles que Salta) les argentins "d'en haut" sont pour la plupart tous ou presque des petits fils, arrière petits fils, arrière arrière petits fils d'immigrés. Sans aller chercher plus loin et seulement pour vous donner un exemple que je connais assez bien : moi même. Le premier venu ici et qui portait mon nom, était mon arrière-arrière grand-père. Il est venu de quelque part dans le pays basque, coté français très probablement puisqu'il avait la nationalité française. Il s'est marié avec Marie Jacomet (en Argentine, en Europe ou sur le bâteau ? Aucune idée). Elle était née à Azèreix, dans les Pyrénées Atlantiques. "Mais Pablo, quels sont les argentins ?" (on m'a vraiment posé, en France, la question). J'y ai répondu "Beh, nous ...". "Oui, Pablo, mais je veux dire les vrais, pas toi" (on m'a vraiment répondu çà en France, je vous le jure). Et bien, les vrais ce sommes nous, les descendants de ces "conquistadores" (dont le sang coule aussi dans mes veines, coté maternel de mon père, je suis désolé, je l'avoue, je ne le ferai plus jamais), de ces immigrés, européens pour la plupart mais aussi syrien-libanais (ceux-ci nous ont fait cadeau d'un certain Carlos M. dont la prononciation de son nom porterait la malchance mais qui, pour que vous n'ayez pas de doutes, a était notre président aux années 90s, une sorte de Sarko : il a tout privatisé et nous voici en train de pleurer sur les ruines de la patrie), des juifs, des grecs, bref, d'un peut partout dans le monde et son agglomération. Et là on redescends vers le sud, pas trop, histoire de nous retrouver parmi le noyau des argentins. Dans ce qui est plus ou moins la partie centrale de l'Argentine on trouve concentrée la majorité de la population, dans les provinces de Buenos Aires, Santa fe, Córdoba (d'où vous vient votre serviteur), Mendoza (là, avec Salta, La Rioja, et San Juan ils font du vin, ce qui est assez mauvais pour nos prétentions tropicales) et La Pampa. C'est ici où on peut voir (pourvu que l'on veuille le voir) ce qui existe de plus représentative comme argentins. Je n'ai pas les chiffres et cela m'ennuierais énormément d'aller les chercher mais grosso modo, plus ou moins mélangé, c'est du quelques 60 % du sang italien, 30 % espagnol et le reste du tout-venant (les Européens, les juifs d'un peut partout, les syrien-libanais, les indiens, bien entendu, etc.).
Tout cela est peut ètre en train de beaucoup changer. Les immigrants (mème sans papiers, ça vous rappelle quelque chose ?) continuent de venir mais cette fois ci depuis les pays frontaliers. De même que en Europe, où on pourrait se dire, si on regarde les gens dans les rues, que la moitié de la population est arabe et black puisque ils sont plus souvent dehors que les autres, en Argentine on trouve le même phénomène mais tu mets un métisse ou carrément un indien à la place de l'arabe ou du black. Mais quoi qu'il en soit, notre culture est plus ou moins fragilement construite. Culture ? T'as dit culture ? Ouais ! Allons-y ! Point suivant.
LA CULTURE
Je vais arrêter de vous dire que ceci ou cela m'a était vraiment dit en France. Désormais, dès que vous verrez des guillemets, sachez qu'il s'agit de situations de la vie réelle (les noms ont était changés et vous vous apercevrez que les visages ont était rendus flous à l'écran, histoire de protéger l'honneur et la réputation de mes amis).
"Ok Pablo, tiens ton ordonnance homéopathique. J'y ai mis du machin truc et du machin bidule car vous, en Amérique du sud, vous êtes vives, d'une nature vivace !". Mes paupières battent, mon lèvre inférieur glisse tout naturelemet, attiré vers le centre de la terre, bref : je reste pantois et bouche bée. "Tu veux dire quoi au juste ?" ose-je timidement demander, il est le toubib et on ne veut pas du tout ètre en mauvais termes avec son toubib. "Bon, ne comprends tu pas ? Tu viens de l'Amerique du sud, là-bas vous êtes d'un esprit très vivace, très chaud !". Il est tellement enthousiasmé et si enfoncé dans ses rêveries tropicales qu'il me fait de la peine de le contredire. Je tâte un peu quand-même et je confirme mes soupçons : il pense au Brésil. Je pars sans trop faire de bruit.
Alors non mes amis : notre culture est du judéo-chrétien tamisé dans les lumières. Là où vous nous rêvez danseurs tropicaux de salsa, nous nous contentons de notre tristesse "tanguera" et là où vous nous voulez très attachés à je ne sais pas quels penchants musicaux issus du fin fond d'une campagne profonde, nous sommes des enfants du siècle, pas trop différents de vous. Qu'est ce que vous croyez qui étaient mes goûts musicaux à 16 ans ? Non, arrêtez, ce ne sont pas du tout ceux qui vous croyez. En fait j'écoutais, à l'époque, du Deep Purple, du Jethro Tull et du Led Zeppelin. Mon enfance c'était le twist et, à peine un peu plus tard, la musique beat. Ce n'est que ces derniéres années que les jeunes argentins ont découvert le tango (toujours pas tropical) et se sont mis à le danser. Mais ils n'ont pas arrêté d'écouter du rock dit "nacional", l'un des premiers rocks à avoir été chanté dans une langue autre que l'anglais.
"Qu'est ce que vous êtes catholiques en Argentine !". Bon, ouais, un peu ... en fait j'avais une tante très catholique mais ... en dépit de cette loi argentine qui veut que le président soit catholique (Carlos M, celui qui était fils d'immigrés syriens, se convertit au catholicisme pour devenir éligible à la présidence) et de celle qui veut que l'état argentin soutienne le culte catholique, notre culture n'est guère bigote (notre libération des moeurs est assez en avance comparée à celle des français) et est assez psy. "Quoi ? Psy, Pablo ?": Et oui, on a l'un des taux de psys par habitant les plus haut au monde, les seuls à leur faire concurrence sont les veaux (on a aussi un très haut taux de veaux par habitant mais la comparaison s'arrête là. Mon ex est elle même psy et je squatte chez elle à ce moment).
"L'Argentine, ah oui, le foot !". Oui, c'est vrai mais je m'en foot. Je suis fier des écrivains et des quelques prix Nobel qu'on a eus il y a quelques décennies, avant que le ciel du néo-libéralisme ne nous tombe sur la tronche. Depuis, tout a dégringolé : l'économie a entraîné dans sa chute la culture, la scolarisation et les bonnes manières.

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