1 juillet 2009

CORDOBA. PREMIERES IMPRESSIONS.

Comment en parler ? Comment dire que ce sont des impressions les rebondissements intérieurs que cette onde de choque provoque chez moi ? Ma ville, jadis dite "La Docta" car son noyau dur était l'université, celle qui attirait des étudiants des autres provinces et d'autres pays (d'où la petite trentaine de blacks que l'on pouvait croiser à la rue, venus de Haïti), celle qui était devenue un pôle industriel de l'Argentine et de l' Amérique Latine, celle dont la classe moyenne (avec tout ce que cela veut dire : ses conneries, ses crises d'identité, son esprit petit facho de province ou militant éclairé, ses soucis vestimentaires et sa peur du ridicule, bref... de la classe moyenne quoi) donnait la couleur et qui partageait la ville, bon gré mal gré, avec une classe ouvrière qui mangeait à sa faim, qui brique à brique bâtissait sa maison de banlieue et se donnait sa musique et sa culture faites de "cuarteto", foot et pique-nique dans "las sierras", celle où je suis né, cette Córdoba là n'existe plus. Une autre est venue s'y substituer ...
J'arrive en hiver et cet hiver est peut être un peu plus sec que d'habitude. Si on y ajoute une grève des employés de la ville, on a là un beau prétexte pour laisser passer ces espaces publics poussiéreux là où il devait y avoir de la pelouse et pleins de saletés là où jadis tout était propre et soigneusement entretenu. Admettons que cela contribue à me foutre ce putain de sentiment. Mais dès que je commence à me promener et que je vois ces foules qui ressemblent aux roms (à s'y méprendre, avant d'entendre leur parler typique d'ici) qui viennent de se faire expulser des bâtiments à coté de la Médiathèque de Toulouse, les rues du centre ville où foisonnent les vendeurs à la sauvette et qui donnent à la ville un air tiers monde à déchirer l'âme, les quartiers pris d'assaut par la misère, la télé à deux balles qui hurle son vide et son mauvais goût, là je m'effondre. Par de moments je me vois en personnage d'Oliverio Girondo, celui auquel l'écrivain souhaitait les plus grotesques des destins. Alors je tourne le dos à mes compatriotes et à ma famille, non pas pour me dérober à leur présence chère mais juste parce que je n'ai pas trouvé de mieux pour pouvoir tourner ainsi la tète et leur cacher les larmes qui me dissolvent les joues et qui me fondent les paupières.
Très peu de mes amis français comprendront ces lignes. Ils me croient venu de je ne sais pas quel endroit folklorique, tropical et presque bon sauvage. Laissons passer leur connerie bienveillante et attendons à poster un article consacré entièrement au sujet.
Il m'a pris quatre jours pour perdre ce sentiment d'être un étranger dans la ville où je suis né. Mais je n'arrive pas encore à hésiter lorsque je fais mes courses ou que je prends un bus : non Pas-Bleau, on ne parle pas en français aux gens ici.

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